Du 27 au 30 septembre 2021 à Paris (et en ligne) s’est déroulée la 7ème édition du Forum Entreprendre dans la Culture. Ce rendez-vous est organisé par le Ministère de la Culture. Objectif : apporter des clés concrètes aux professionnels actuels et en devenir du monde des ICC (Industries Créatives et Culturelles).
Pour le lancement du forum, six pays « à fort potentiel » ont été choisis par les Ministères de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Economie et des Finances afin de présenter un état des lieux de leurs Industries Culturelles et Créatives (ICC) et des opportunités de développement pour les entrepreneur.es français. L’occasion pour six professionnels de mettre à l’honneur, lors d’un webinar d’une heure, un territoire dynamique et innovant dont on entend beaucoup parler récemment pour ses productions culturelles : la Corée du Sud.
Un pays de transformation des usages
Présidés par Jean-Romain Micol, attaché audiovisuel et coordinateur ICC à l’Ambassade de France en Corée, et Elisa Joliveau-Breney chargée de mission audiovisuelle et ICC à l’Ambassade de France en Corée, ce webinar tendait à effectuer un panorama concret présentant les différentes opportunités pour les entrepreneur.es français en Corée du Sud dans le domaine des Industries Culturelles et Créatives.
« La Corée est passé en soixante ans d’un des pays les plus pauvres au monde à la 10ème puissance mondiale en 2020 »– Elisa Joliveau-Breney
Marché ultra consommateur, avec une croissance exceptionnelle liée à l’adoption rapide de nouvelles technologies, la Corée du Sud a enregistré, en 2020, un chiffre d’affaires des ICC de 195 Milliards d’euros contre 91 milliards d’euros en France sur la même période. Premier pays à s’être muni d’une couverture internet 5G exceptionnelle, le pays dit du Matin calme s’est très vite adapté à la transformation des usages numériques. 95% de ses habitants ont intériorisé l’utilisation des smartphones (oui, même les seniors). Cette normalisation des pratiques lui a rapidement permis d’être aujourd’hui l’un des leaders en terme d’exportation de contenus culturels. Exemples : la Corée du Sud est désormais le 5ème marché du jeu vidéo et 6ème marché pour la musique.
Hallyu et stratégies de “contenus créateurs de tendance”
K-drama, K-pop, Webtoon, (cinéma, édition, audiovisuel, design, jeu vidéo…), on en a déjà toutes et tous entendu parler, au moins une fois, ces dernières années. Ce phénomène de contenus créateurs de tendance s’exporte dans le monde grâce à sa vague déferlante – la Hallyu -. BTS, groupe de K-pop aux milliards de vues sur YouTube, Parasite de Bong Joon-ho, premier film sud-coréen à être récompensé à Hollywood avec 270 millions de recettes dans le monde, ou plus récemment Squid Game, succès colossal et première série coréenne à atteindre le Top 10 mondial sur Netflix !
En Corée du Sud, c’est la consommation de produits culturels locaux qui domine. “51% des entrées cinématographiques en 2019” concernaient des films coréens, affirme Elisa Joliveau-Breney. C’est donc une stratégie de forte exportation de contenus culturels locaux qui est conduite par le pays en association direct avec le gouvernement. Le gouvernement sud-coréen, qui par ailleurs, soutient ostensiblement les “K-ICC” en pleine période de bouleversement des modes de consommation et d’émergence de nouveaux acteurs. La Maison Bleue a même pour objectif ambitieux d’être le “5ème producteur mondial de contenus créatifs”, selon les dires du directeur général de la FKCCI. Pour ce faire, il est devenu le 2ème pays le plus dépensier en R&D dans le monde. Le marché des ICC sud-coréennes bénéficie également de structures qui soutiennent massivement l’émergence d’acteurs économiques, comme l’agence KOCCA (Korea Creative Content Agency).
D’après Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS, “ce mouvement est la rencontre d’un engagement de l’Etat dans la promotion de l’industrie culturelle coréenne et des chaebols (conglomérats) directement impliqués dans ce secteur” pour “concentrer la production culturelle, la promotion, la diffusion, mais également de générer d’importantes retombées dans d’autres activités, comme les cosmétiques, la mode, le tourisme.”
One Source, Multi Use
Pour ainsi dire, la culture coréenne a le vent en poupe, et ses contenus culturels s’exportent désormais à l’international dans tous les domaines des ICC. Cette formidable capacité d’interopérabilité de contenus dans ses différents secteurs consiste en la déclinaison de contenus, histoires, personnages, idols sur différents supports, nous explique Elisa Joliveau-Breney. Le one source, multi-use, reprend la chargée de mission audiovisuelle, c’est par exemple BTS !
« BTS, au delà d’un groupe de K-pop, c’est devenu une émission de télé-réalité, un jeu vidéo, prochainement un webtoon, peut être une série télé, et tous les objets dérivés.. »
Des produits interconnectables prenant la forme d’IP (propriété intellectuelle) ou d’histoires dont les producteurs coréens sont friands sur un marché jeune et très concentré composé de grosses entreprises (Naver, Nexon, Hybe, CJENM, KAKAO…).
« K-content is the key for the globalization, by building the new silk road for K-stories » – Jayden Kang
Jayden Kang, Global Chief Operation Officer à Kakao Entertainment a d’ailleurs pris la parole durant le webinar pour soutenir cette hégémonie des contenus culturels sud-coréens. Vice-Président de Kakao, entreprise créé en 2010, elle est aujourd’hui leader du marché des ICC en Corée avec 40 millions d’utilisateurs par mois. L’entreprise doit sa croissance exponentielle à un double facteur selon le VP : une stratégie agressive de M&A (fusion-acquisition) et de Spin-Off (scission). Aujourd’hui, la stratégie globale de Kakao Entertainment (musique, audiovisuel et webtoon) repose sur une évolution des modes de consommations de produits culturels, notamment sur les “k-stories” à l’instar d’Itaewon Class, webtoon et Netflix Original Series avec à l’affiche l’idol Park Seo-Joon.
Quid des opportunités pour les entrepreneur.es ?
Sylvain Degueurce, conseiller export & chef de pôle nouvelles technologies chez Business France Corée a quant à lui exposé un panorama des opportunités pour les entrepreneur.es sur les marchés du jeu vidéo et de l’AR/VR. Faisant l’étal d’un marché du jeu vidéo presque auto-suffisant en pleine croissance avec 11.5 milliards de chiffre d’affaires estimé pour 2020 et désormais axé à 50% sur le smartphone. Il met également en exergue un phénomène en plein boom : l’e-sport, rassemblant des millions de spectateurs et téléspectateurs dans des stades très animés ! L’e-sport dont on entend beaucoup parler actuellement en France, avec notamment la Karmine Corp.
Selon lui, le modèle BtoC reste complexe en Corée du Sud car l’offre est déjà pléthorique, c’est alors le BtoB qui semble remporter des opportunités business potentielles. En ce qui concerne l’AR/VR, c’est un marché encore plus jeune doté d’une « croissance exponentielle” où davantage d’opportunités sont à saisir dans les domaines des loisirs, des formations ou des contenus éducatifs. Le conseiller aborde également le métaverse et sa place encore à faire sur le marché coréen. En somme, une affaire à suivre !
Cédric Legrand, directeur général, à la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Coréenne (FKCCI) tient quant à lui à insister sur le développement d’un écosystème cinématographique en Corée du Sud qui serait bénéfique aux (futur.es) entrepreneurs.es. Des acteurs du cinéma qui ont d’ailleurs connu des variations importantes dû à la crise sanitaire mais qui ont été “sauvé” par l’exportation importante de ses contenus. Il faut ajouter que l’impact des plateformes OTT bouleverse actuellement le secteur en favorisant des contenus audiovisuels divers. Alors même si le marché du cinéma reste très concentré à premier abord, ajoute-t-il, il évolue favorablement pour les entrepreneur.es qui souhaiteraient s’engager auprès d’acteurs locaux.
Tout pour les start-ups !
Enfin, Jordan Monnet, co-fondateur et PDG de nr2, a clos ce webinar en présentant un outil cartographique performant des ICC sud-coréennes. Le moteur de recherche nr2 est entièrement conçu pour trouver des start-ups et entreprises des ICC en Chine et Corée du Sud. Plusieurs façons de rechercher ses futurs partenaires (par chiffre d’affaires, localisation, domaines…) ou même d’accéder aux dernières études de marché des secteurs créatifs sont disponibles. Une façon simplifiée et efficace d’aborder le marché sud-coréen !
En somme, le marché des Industries Culturelles et Créatives est en pleine expansion au pays du Matin « pas aussi calme » qu’on pourrait le croire. Une évolution à suivre de très près pour celles et ceux qui souhaiteraient en devenir acteurs.trices !
Pour en apprendre plus sur l’univers des Industries Culturelles et Créatives, n’hésitez pas à lire nos autres articles !
Faïza, octobre 2021