A la Cité Internationale des Arts, l’exposition Autonomie Zéro problématise notre rapport dépendant aux nouvelles technologies.
La Biennale NÉMO souhaite, sous un prisme artistique, envisager notre perte d’autonomie dans un monde de plus en plus robotisé, et ainsi susciter des débats sur notre futur.
L’exposition Autonomie Zéro a eu lieu à la Cité Internationale des Arts, du 22 novembre au 1er décembre 2019, dans le cadre de la Biennale internationale des arts numériques, Némo. Cette édition est dirigée par Gilles Alvarez, Directeur artistique de la Biennale Némo et José-Manuel Gonçalvès, Directeur du CENTQUATRE-PARIS, un espace artistique situé dans le 19e arrondissement.
Cette exposition aborde notre dépendance aux nouvelles technologies, et montre les limites des algorithmes. Ces derniers, qui pourraient apprendre par eux-mêmes, nous font envisager une perte d’autonomie dans notre monde tout-numérique. L’art ici s’exprime de multiples façons : les oeuvres sont accrochées au mur, filmées et retransmises sur des écrans, performées en live par des machines. Cette exposition a pour but d’appréhender les futurs possibles, de susciter des débats autour des enjeux de société, et de donner envie d’agir pour un monde meilleur.
Elle est destinée à un public adulte, ou du moins assez mature pour comprendre les messages des artistes, mais surtout intéressé par le numérique et ses problématiques.
Des œuvres en quête d’autonomie
Une vingtaine d’oeuvres exposent des pensées plus ou moins pessimistes vis-à-vis de notre rapport au numérique. Elles sont multiples, peuvent être interactives ou seulement contemplatives. L’idée est de toucher le plus de personnes possible, en utilisant différents médias. Deux oeuvres nous ont particulièrement marquées.
Résidence, de Bérénice Serra avec Marion Balac, Raphaël Fabre, Mathieu Tremblin, Arzhel Prioul et Julien Toulze
Résidence est une oeuvre en ligne, infiltrée dans Google Street View. Ce service permet de plonger l’utilisateur de l’application dans des vues photographiques en 360 ° réalisées à partir de plusieurs points de l’espace des villes répertoriées. Il a entraîné de nombreuses polémiques car il est considéré parfois comme une atteinte à la vie privée. En 2015, Google Street View propose alors aux utilisateurs eux-mêmes de prendre des photos en 360° et de les poster publiquement sur l’application.
C’est pour conquérir cet espace artistique ouvert par Google lui-même que Résidence a vu le jour. Il s’agit d’un espace d’exposition conçu par Bérénice Serra, et ouvert à tous les artistes qui souhaitent se joindre au projet.
C’est ainsi que cinq artistes, Marion Balac, Raphaël Fabre, Mathieu Tremblin, Arzhel Prioul et Julien Toulze, ont modifié des lieux directement dans Google Street View, pour déformer les paysages et montrer au visiteur comment pourraient être ces lieux dans un monde parallèle. Ainsi, l’exposition existe uniquement sur l’application, et non dans l’espace physique.
Par exemple, Marion Balac a choisi de modifier des images de la Défense en montrant par exemple la mer se refléter dans un des immeubles.

Arzhel Prioul a ajouté des panneaux représentant le paysage réel et les a implantés dans un paysage modifié.

Raphaël Fabre, lui, a décidé de tout simplement supprimer la Statue de la Liberté de son socle. Enfin, Julien Toulze a quant à lui ajouté des éléments dans des paysages existants, comme un énorme pneu devant le Mont Saint-Michel ou bien des sucettes géantes sur le parvis de Notre-Dame.
Ces oeuvres sont visibles grâce à un casque de réalité virtuelle, plongeant ainsi un peu plus le visiteur dans le doute : ce qu’il voit existe-t-il réellement, ou est-ce simplement une image virtuelle dans l’application ?
L’Être, la Machine et le Néant, Christophe Bruno 2018-2019
Les intelligences artificielles (IA) peuvent tout apprendre : algorithme mathématique, construction syntaxique, stratégie marketing. Alors pourquoi ne connaîtraient-elles pas l’art ?
Christophe Bruno est parti d’un constat simple : les IA suivent les règles académiques des histoires des arts et peuvent créer des œuvres “à la manière de”. Ces dernières apprennent, mais elles ne peuvent pas créer d’elles-mêmes. Christophe Bruno a donc cherché à retrouver la réelle dynamique de l’art, “la rupture”. Il a donc demandé à ses intelligences de combiner les arts, les manières de peindre de différents artistes, pour créer de nouvelles œuvres qui rompent avec la tradition. Prenez Van Gogh et ajoutez la plage et vous aurez Surfing the starry ocean. La Vénus sortie des eaux de Botticelli et une dabbing unicorn donnent Bottom-up Venus.
Ces œuvres sont très atypiques. Il est possible au premier coup d’œil de démêler les styles picturaux, et il est assez surprenant d’apprendre que ce sont des successions de bits qui ont créé tous ces tableaux.

Une impression à la Black Mirror…
Cette exposition ne peut pas laisser indifférent. Nous le savions en y allant : notre vision de la technologie allait être mise à mal. Il est évident que le numérique ne peut pas être essentiellement positif. Jouer à la console, faire des recherches sur Internet, utiliser des algorithmes, oui, mais à quel prix ?
Les oeuvres abordent différents pans du numérique, d’une manière plus ou moins décalée, pour toucher tout le monde. Certaines peuvent laisser pantoises, si elles ne sont pas expliquées et mises en contexte, telle que Where Is My (Deep) Mind ? de Julien Prévieux, un film dans lequel deux femmes et deux hommes incarnent des expériences technologiques.
Pourtant, on ressort de l’exposition en se disant que les artistes ont bien compris les travers du numérique, et qu’ils ont réussi à nous les transmettre. Vous avez toujours votre portable dans la main ? Fifteen pairs of mouths d’Esmeralda Kosmatopoulos représente quinze manières de tenir son téléphone, ce nouveau vecteur de communication, cette nouvelle bouche. Vous stockez tout sur votre ordinateur ? Et pourquoi ne pas mettre vos données en boîte et les vendre dans le Data Shop de Varvara Guljajeva & Mar Canet ? Si vous êtes un brin nostalgique, vous pouvez jouer à Tetris sur l’un des appareils de MinitelSe de Benjamin Gaulon et Jérôme Saint-Clair.
Finalement, Autonomie Zéro met en avant les problématiques liées au numérique pour ne plus en être dépendant !
Ils en parlent aussi…
- Que faire à Paris – “Exposition Autonomie Zéro”
- L’ADN – “Biennale Némo : des artistes imaginent un monde où l’humain n’existe plus”
- Christophe Bruno – “Autonomie Zéro, Cité Internationale des Arts, Paris”
- Naja21 – “Arts numériques : Nemo interroge la disparition du genre humain”
- Galerie Dix9 – “Somerset House, London, Esmeralda Kosmatopoulos”
- Mardinoir – “Autonomie Zéro biennale NEMO”
- Recyclism – “MinitelSE The Internet of Dead Things Institute”
N’hésitez pas à découvrir les autres expositions découvertes par la promo 2019-2020 !
Marie et Sophie, Janvier 2020
Crédits image principale : Cité internationale des arts